En fait, je n’avais pas tout raconté au sujet des verres avec JR, parce que je me doutais que j’allais manquer de choses à dire aujourd’hui.
Malgré mes efforts répétés pour lui faire comprendre que je ne le voyais que comme un pote, il finit par ramener la conversation aux relations sentimentales. Et depuis combien de temps j’étais célibataire ? Et qu’est ce que je cherchais comme qualités chez l’autre ? Et pourquoi mes relations précédentes n’avaient pas marché ?
Cela faisait deux pintes que nous discutions alors j’étais devenu volubile. Je lui racontai mes deux ans avec Benoit, puis les années suivantes où j’étais persuadé que je ne pourrais que faire du mal aux personnes qui vivraient à mes côtés. Puis je lui ai raconté Chiel, le hollandais, notre premier baiser et ma promesse sur le Pont Neuf, un jour ensoleillé d’avril… Je lui ai raconté la Tchadienne, ce qui l’a fait écarquiller les yeux comme jamais et lui fit me poser encore plus de questions (Mais alors vous avez vraiment… ? Et tu lui as touché le.. ? Et c’était pas dégueulasse ? Mais elle était féminine ou bien ?). Je lui ai raconté Amsterdam, la relation avec Mitch, puis mon amour pour Simon le grec. Je lui ai raconté Alessio, avec son chat et ses bouteilles de vin blanc, puis Franck, Erwin, Geoffrey, re-Erwin, Eric l’être supérieur et sa demande en mariage pourrie, puis l’Elève…
Quand j’eus -enfin- terminé, il me contempla l’air un peu coi.
– Bah… On peut dire que c’est compliqué et dense. Moi j’ai eu que deux histoires…
– Non mais tant mieux ! Parfois, je crois que je m’emporte juste un peu trop facilement. Et puis c’est tellement pas de tout repos que parfois, comme en ce moment, je suis content d’être un peu seul.
– Mais tu fais des plans, tu baises quand même ?
Je pourrais te marquer la réponse, mais je préfère te laisser imaginer ce que tu veux…
Il me raconta ses deux histoires. Son premier copain était plus âgé que lui. Il avait un peu d’argent aussi, ce qui avait un peu hypnotisé JR. Comme il venait d’un milieu très humble, il avait adoré pendant un temps se faire traiter comme un prince. Le shopping, les sorties, les petits voyages et le grand appartement parisien… Il avait fait ses études en dilettante et n’avais pas obtenu de diplôme. Il avait fini par se retrouver isolé aussi. Son copain faisait la gueule dès qu’il se faisait de nouveaux amis, donc il avait cru qu’il pourrait se satisfaire de sa relation. Et puis au fur et à mesure, son copain était devenu exigeant, lui reprochait tout, et lui donnait l’impression d’être un moins que rien. JR avait un peu déprimé. Et puis au bout d’un moment, son copain avait commencé à fréquenter d’autres garçons parce que « tu sais, j’ai des besoins, et je t’aime, mais si tu m’emprisonnes dans une cage, ça ne pourra pas marcher. Si tu tiens vraiment à moi, tu comprendras ». JR s’était retrouvé comme un con. Il n’avait pas d’argent, pas d’étude, pas de boulot et s’était habitué à un train de vie plus que confortable. Il avait peur de se retrouver à la rue, alors il avait fermé sa gueule et laissé faire, et s’était senti démuni et nul, et inutile. La relation dura en tout 6 ans, et ce fut avec beaucoup de difficulté qu’il y mit fin, après une tentative de suicide et la réalisation que rien ne valait qu’il se mît dans un état pareil. Son ex, fâché au début, avait décidé néanmoins de l’aider encore pendant quelque mois, ce qui lui avait permis de se remettre sur de bons rails. Il avait trouvé son boulot à la parfumerie, s’était fait plein d’amis dans une ambiance jeune et décontractée.
– Tu te rends compte, j’avais l’impression d’enfin vivre ma jeunesse… Les gens n’étaient pas dans des luttes de pouvoir bizarre, et je pouvais dire ce que je pensais sans devoir plaire à untel ou untel parce qu’il fallait choyer des amitiés. Non, tout était devenu plus simple. Prendre une bière sur les quais, ce n’était plus ridicule. Il s’était mis au sport à ce moment là aussi.
Et puis il y eut un nouveau manager, Paul, à la parfumerie. Ils étaient très vite devenus amis. Puis Paul lui avait fait des avances. JR avait été flatté. Il avait pas mal vécu depuis la fin avec son ex, mais il avait fui le sérieux. Paul l’avait un peu forcé à aller plus loin que l’amitié, un soir, dans les vestiaires du travail. JR s’était senti con, il ne savait pas comment le vivre, alors il avait décidé qu’il devait être content de plaire. C’était une histoire un peu triste à entendre. Paul et JR s’était donc mis à se fréquenter. Paul était un peu « possessif et jaloux. Il m’engueulait parce que je souriais à certains clients, il se sentait toujours en danger, alors il me piquait des crises le soir à la maison, cassait des trucs, même s’il ne m’a jamais frappé, je te rassure ! Ca a duré un peu plus d’un an, et puis j’ai demandé à changer de magasin, je n’en pouvais plus, et je l’ai quitté. C’était nul, j’avais l’impression d’être une chose, encore une fois, j’étais un peu dégoûté. »
Il fit une pause en regardant un peu dans le vague.
– Parfois, j’ai l’impression que je suis condamné à attirer que les cons, ceux qui te rappellent, pas, qui te promettent monts et merveilles et puis te traitent comme de la merde. Ceux qui te larguent, dès que tu as couché… C’est un milieu parfois cruel… Et en même temps, je suis trop nul parce que tous mes potes sont gays, je sors que dans les endroits gays…
J’avais eu beaucoup d’empathie pour lui pendant toute cette conversation, et je dois avouer que j’avais eu envie plusieurs fois de lui faire un câlin, mais étant toujours peu tactile, je n’avais pu m’y résoudre.
Je lui ai donc sorti les banalités d’usage : il était responsable de ses propres malheurs et il devrait faire davantage attention à qui il fréquentait, et surtout arrêter de s’habiller comme une pute, sinon il cherchait ,c’était sa faute…
Non… Je déconne ! GIGALOL.
(Il fallait que je crève l’abcès dramatique, parce qu’on allait tous finir par se pendre, non ?)
Bref, je lui rappelai que malgré les gens toxiques, il y avait beaucoup de personnes sincères et bienveillantes, et que parfois, on était prisonniers de patterns à être attiré par les mauvaises personnes et des personnalités qui ne nous correspondent pas. Ce n’était pas une fatalité, j’étais persuadé qu’il fallait s’observer, s’analyser se comprendre afin de réparer des mauvaises habitudes que l’on peut avoir prises.
– Mouais… ça me paraît un peu trop psycho pour moi tout ça… J’aimerais juste être heureux tu vois. Trouver quelqu’un de gentil, un peu comme toi.
– Hola, mauvaise pioche, t’as écouté mes histoires, je suis l’instabilité même ! Tu as besoin de quelqu’un de posé et d’attentionné, pas d’un excité de la vie comme moi !
Je lui tapai sur l’épaule et détournai la conversation vers d’autres choses,
Et puis il y a eu l’accident de voiture que je racontais hier.
***
Je me réveillai le lundi matin avec le cerveau lent, celui qui réclame de l’alcool, ou de l’eau, enfin, il ne sait pas trop. Ce soir, j’allais retrouver Brad au Body Poump, et j’allais avoir une bonne raison -enfin- de lui envoyer un texto pour lui dire que je venais.
C’est un texto d’Amandine qui bouleversa la donne.
« T’as écrit un article un jour férié ? »
Jour férié ? Quel jour férié ? On avait déjà eu trois ponts !
Ah mince, mais alors, la salle allait fermer de bonne heure ?
– allo ? Oui je voulais savoir si… hum hum… hum hum… donc vous fermez à 18h ? Pu…Profitez bien alors, merci, oui…
Assis en tailleur sur mon balcon, le soleil réchauffait ma peau mais mon cœur était devenu froid… (on la garde, cette phrase, elle est trop belle).
Bye bye Brad, on n’allait pas se voir avant la semaine suivante, inch’Allah…
Pfff, j’avais trop le seum…
Sans trop réfléchir, je pris mon téléphone et lui envoyai un concis « salut Brad, c’est Alex, bon ben pas de Body Poump ce soir, c’est dommage. A la semaine prochaine du coup ! Bonne journée ! »
Le message était parti.
LE MESSAGE ETAIT PARTI ???
C’est en entendant le son de mon téléphone que je compris que j’avais vraiment envoyé ce foutu message. Une semaine que je me torturais l’esprit pour savoir ce que je pourrais lui dire et sur quel ton, est-ce que je devrais mettre « bisous », ou bien commencer par un « yo mec, bien ou bien » pour faire genre je suis hétéro et cool… Et j’avais envoyé un message, sans faire gaffe, en quelques secondes.
Je relis ce que j’avais marqué. C’était neutre et efficace… Ce message passait super bien. Bon, il ne contenait aucune question ni rien, mais bon, c’était notre premier vrai contact, j’allais pas lui demander « salut, t cho ? bm, tbm ou ttbm ? » comme ça, de brûle-pourpoint…
Quelques secondes plus tard, une sonnerie brève, il avait répondu.
« Oui, trop de jours fériés ce mois-ci ! c’est chiant ! »
Tu te rends compte ? C’est exactement ce que je disais juste avant ! On était trop des jumeaux cosmiques qui nous étions rencontrés depuis plusieurs vies et qui enfin s’étaient retrouvés pour s’aimer dans celle-ci : on pensait exactement PAREIL !
Là, mes amis, j’étais Superman. J’avais mis la musique à fond, je chantai, je dansai, on avait échangé nos premiers textos, il avait répondu super rapidement, il faisait beau… Non franchement, c’était un signe.
J’étais tellement galvanisé que, n’écoutant que ma bêtise, je me lançai !
J’envoyai un autre texto.
« Du coup, ça te dirait pas de prendre un verre à la place ? »
La réponse arriva dix minutes plus tard…
Questions subsidiaires :
- Est-ce que tu aimes les cliffanghers ?
- Franchement, #TeamBrad ou #TeamJR ?
- Plusieurs histoires qui ont compté font-elles de moi une girouette sentimentale ou juste quelqu’un qui a du coeur et sait apprécier la beauté de chaque être (attention à votre réponse)
1. Oui
2. Clairement pas team JR, imagine que ce soit lui qui rende ses partenaires odieux !? Mieux vaut pas prendre le risque.
3. <3
– Ça ne valait pas la fin d’un épisode de Las Chicas del Cable sur Netflix, mais oui.
– Team JR, je le sens plus sincère. Des années de sociologie de comptoir ici. Évidemment le discours est clairement orienté.
– Deuxième proposition.
le fou qui a tout lu en 2 jours…
#merci
C’est un peu embarrassant dit comme ça …
Pour ma défense, j’ai de longues pauses déjeuner et je lis très très vite.
C’est pas embarrassant du tout, je te vois comme un garçon de goût !