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53. Une journée anecdotique

Escrivaillon 2

Derrière le comptoir de l’accueil, Laura et Veronica étaient encore une fois en pleine discussion lorsque j’arrivai.
– […] j’ai jamais réussi à avaler…
– Ah bon ? Moi ça me pose aucun problème.
Leur conversation me fit faire une pause au moment où j’allais leur dire bonjour.
– Bonj… Euh…
Toutes occupées dans leur discussion, elles ne m’avaient pas vu passer la porte. Elles se regardèrent et éclatèrent de rire.
– Hahaha, bon,njour Escrivaillon, c’est pas ce que tu crois, on parle de médicaments !
– Ah d’accord, j’ai eu peur de vous déranger !
Veronica me regarda dans les yeux et me sortit avec un petit sourire en coin :
– Tu te doutes bien que pour le reste, je n’ai aucun problème…
Je restai coi, ne m’attendant pas à une telle phrase dite avec autant d’aplomb et Laura protesta.
– Veronica ! Mais ça va pas ? Mais elle est folle !
La prof de sport se mit à rire et à nous trouver bien prudes. Elle était fière de nous avoir choqués.
Alors que je me servais un café en attendant JR, je lui demandai comment elle allait.
– Comme tu peux voir ça va mieux. J’arrive pas à croire que j’étais dans un tel état pour un loser. J’ai tourné la page assez facilement au final. Et quitte à me faire jeter rapidement, j’ai décidé de plus m’embêter avec les moches, je vais taper que dans les mecs bien gaulés.
A son habitude, Veronica était directe, et sans filtre. Malgré la sympathie qu’elle m’avait suscité la dernière fois quand je l’avais trouvée en pleurs dans la rue, elle finissait toujours pas m’énerver… Elle ne s’arrêta pas là.
– Comment vont tes amoureux ? Tu vois lequel aujourd’hui ?
– Mais… Non, ce sont juste des amis !
Je me demandais si elle faisait chier tous les clients de cette façon… Elle savait vraiment mettre mal à l’aise. Laura sentit probablement que la conversation n’allait pas car elle se partit chercher des bouteilles en réserve pour remplir le frigo de boissons.
Avec ses cheveux tirés en un chignon serré et ses yeux perçants cernés de noir, Veronica ressemblait à une dominatrix (oui, oui, j’essaie de placer des mots sympas pour les moteurs de recherche et augmenter mon trafic). Cela amplifia sa phrase suivante.
– Je les ai regardés lundi. Les deux te kiffent.
– N’importe quoi… A quoi tu vois ça , vas-y, explique tant qu’à faire…
– Je sais pas, ça se voit…
– Super, la meuf c’est Ze Mentalist, répondis-je un peu agacé par la conversation.
– Non mais le prends pas mal, hein. C’est plutôt flatteur…
Elle tourna la tête pour vérifier que personne n’écoutait (ce qu’elle devrait faire avant chacune de ses phrases, si vous voulez mon avis) puis parla d’une façon plus douce et discrète.
– Au fait Escri, je voulais te remercier pour l’autre jour. Ca m’a touchée que tu t’arrêtes. On ne se connaît quasiment pas, tu n’avais aucune obligation. A présent, à mes yeux, tu es un ami.
En une seule phrase elle était redevenue cette petite créature un peu blessée et vulnérable. C’est à ce moment-là que je compris que sa façon de parler fort, d’impressionner les gens et de les mettre mal à l’aise n’était qu’une façade pour se protéger. Pour éloigner les gens. Mais je devais bien avouer que je n’aimais pas du tout ces mécanismes de défense. Au moment même où j’écris ces lignes, je me demande si je pourrai la voir aussi comme une amie. Pour le moment, elle reste trop abrasive, et je ne suis pas sûr de pouvoir me faire à ça…
C’est à peu près à ce moment là que JR arriva, comme toujours avec un sourire aux lèvres.
– Bonjour les gens ! Vous allez bien aujourd’hui ? Pas trop fatigué Escri ? Oh, j’adore le chignon, toi ! smack smack, smack smack.
Cette épuisante Veronica raconta à JR que c’était dommage que je sois célibataire, et qu’il faudrait y remédier et que oh, mais c’est vrai, JR était célibataire aussi ! Peut-être que vous pourriez vous occuper l’un de l’autre…
J’étais médusé devant son cirque, et mal à l’aise. Pourquoi foutait-elle ainsi les pieds dans le plat ?
Cela fit surtout rire JR, qui prit le parti d’en rire et d’en rajouter, prétextant qu’il ne prendrait aucune décision sans avoir essayé avant.
C’est vrai qu’en une petite répartie sans efforts, il avait donné un côté amusant à la remarque. Peut-être que j’étais trop sérieux finalement…

L’entrainement se passa bien, nous parlâmes de tout et de rien, comme d’habitude, mais le mystère de la dernière fois me restait en tête.
Vers la fin de la séance, je finis par lui demander :
– Au fait, tu voulais me dire quoi la dernière fois ?
Il parut réfléchir puis me répondit que rien, il avait oublié, ça ne devait pas être important… Puis il changea de sujet comme pour me décourager d’insister.
Mais cela n’avait pas ébranlé ma curiosité…

  1. « A présent, à mes yeux, tu es un ami. »
    Si c’est vrai, cette personne est la solitude et la tristesse incarnée :'(

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