Je l’avais vu jeudi et vendredi, mais je n’avais pas dit à JR que j’allais sûrement voir Brad au festival We Love Green, le dimanche.
Quand il m’avait demandé comment s’était passé le dîner avec mon « ami’ le soir où j’avais acheté plein de crèmes et de produits pour la peau et les cheveux, je lui ai dit que je n’avais personne en vue.
J’avais donc menti, sans pour autant vraiment le faire. La frontière était ténue. Et je commençais à me demander comment il le prendrait si jamais Brad et moi nous mettions ensemble. Vu son aversion pour les cachotteries et les mensonges, je commençais à appréhender la situation (qui pour l’instant n’était qu’imaginaire).
Du côté de mes autres potes, la situaton était beaucoup plus facile : les gens se foutaient complètement de ma vie. Pas complètement, bien sûr. Mais chacun·e avait des priorités et des tracas qui les faisaient se contenter d’un vague « moi ça va » quand ils me demandaient comment j’allais. Les rares à qui j’avais donné l’adresse de mon blog ne me lisaient pas, à part « ah oui, vite fait lu un truc il y a longtemps », et d’autre me demandaient si j’avais toujours un boulot de jour en plus de mon boulot de nuit (ce que j’ai arrêté de faire en septembre 2016). Parfois, je trouvais cela un peu dommage, mais je savais aussi qu’aux yeux de tous, j’étais ce chat qui retombe toujours sur ses pattes, pour qui on ne s’en fait donc pas. Même ma coloc s’était piqué d’un sourire gêné quand j’avais commencé à lui parler de mes nouveaux « potes » de la salle de sport, parce qu’elle avait trop de boulot et que cela ne semblait pas important.
J’avais donc l’impression d’être un peu ce petit pion qui avance seul sur l’échiquier vers la ligne adverse pour devenir une reine.
Voici donc la raison pour laquelle j’avais un peu la flemme d’aller au festival, et j’avais fini par annuler le déjeuner de « before ». Les deux seules choses qui m’apportaient un peu de joie étaient la perspective de voir Brad, et Björk.
J’arrivai donc seul au métro Chateau de Vincennes, vers 16 heures, dans une foule jeune et enthousiaste. Trouver l’entrée n’allait pas être difficile car plusieurs centaines de personnes marchait dans une seule direction dans un flot toujours renouvelé. Le soleil brillait entre les branches des arbres qui encadraient le chemin de terre, et pour promouvoir leur action « eco-friendly », le festival avait placé des gens sur le chemin, à côté de chaque poubelle, pour rappeler que les jaunes étaient pour les choses à recycler, et les vertes étaient pour le reste. Mes ami·e·s m’attendaient au bout des 15 minutes de marche, devant les premiers sas de contrôle des sacs et des billets, et je fus accueilli par de grands bonjour, et des « hey, mais c’est chelou ta coupe de cheveu. Et puis ce short et moche », « oh, t’as fait péter le gaybardeur ! », « t’as l’air crevé, t’as une sale tête… ».
Mesdames, messieurs, je vous présente mes ami·e·s, et leur certitude que « non mais de toute façon, on va pas te faire des compliments, tu dois en recevoir tout le temps ». Je leur fis la bise et un sourire, et nous passâmes les barrières de sécurité.
La plaine était grandiose avec ses scènes, ses châpiteaux, ses guirlandes de fanions colorés et des drapeaux qui battaient de concert à plusieurs mètres du sol. Déjà, le groupe se sépara en plusieurs corps. Une poignée partit vers les scènes Prairie et LaLaLand, tandis que le reste décida d’aller à la Clairière pour aller écouter Mount Kimbie. En chemin, je fus surpris et sus le choc. Parmi tous les petits groupes de gens assis dans l’herbe juste devant le chapiteau, je reconnus Franck, malgré son visage à moitié caché par ses lunettes de soliel. Il avait les cheveuc xun peu plus court qu’à l’époque. Il semblait heureux d’être là. Je posai rapidement une question à la pote à côté de moi pour avoir l’air occupé et éviter un éventuel eye-contact. J’étais complètement sur le cul par ce visage inattendu dans une foule de plusieurs milliers de personnes.
Les filles en débardeur voulaient se mettre à l’ombre, dans la foule sous le chapiteau, et je décidai de rester seul au soleil et avec plus d’espace pour écouter le duo électro britannique. Je fis aussi souvent mine de regarder alentours les décorations et le reste du festival, essayant de voir si j’allais recroiser des yeux Franck. Peut-être que je voulais un peu de ses nouvelles, après tout.
La photo donne l’impression que je suis loin, mais au final, même au fond du chapiteau, on ne voyait pas vraiment la scène, et le son était tout aussi bon dehors. Mount Kimbie, que je ne connaissais pas, était globalement chiant. Avec très peu de basses, cela faisait une musique très plate et ennuyeuse, même quand il yavait du rythme, ce n’était pas du tout dansant et j’ai eu l’impression que cela n’avait pas beaucoup d’identité. Mais après, le son en festival et dans une pièce fermée peut donner des impressions fortement différentes.
Plusieurs fois, je fus tenté d’envoyer un message à Brad, mais je voulais pas faire le mec poussif.
Une fois le concert (rapidement) terminé (une petite heure), ce fut le moment de bière-pause pipi-c’est où le point d’eau ?-ils sont où les autres ?-on va par là ?-si on allait regarder les stands ?… Nous allâmes finalement vers LaLaLand, la scène où jouait Young Marco, autre artiste électro.
Personne ne savait trop quoi faire ni quoi écouter et au moment où nous fûmes à Young Marco, c’était un morceau hyper orientalisante qui ne nous a pas du tout séduit, alors il fallut repartir.
Avec toutes ces hésitations, cela faisait quarante minutes que nous tournions, don il fut temps de retourner à la Clairière pour attendre Charlotte Gainsbourg.
Même chapiteau bleu, et elle était assise donc on ne la voyait pas. La scène était décoré de carrés lumineux placés devant elle, donc ça la rendait encore plus invisible.
Je sens que je ne vais pas me faire des amis en disant cela, mais j’ai trouvé son concert incroyablement chiant. Ma coloc était ravie et faisait du lipsynch en dodelinant la tête. J’éssayai de mon côté de rentrer dans la musique et de m’immerger dans le côté électro qui n’était pas désagréable, mais sans succès. Quel est notre problème, nous français, à aimer des meufs sans voix (F. Hardy, Farmer, Carla Bruni, ou Charlotte) ?
En fait, c’est pas que je n’ai pas aimé, c’est juste que pour moi, un festival en plein air, quand il fait beau, ça me donne plutôt envie de bouger, de danser, de sauter sur place et de m’amuser. Pas de me demander si le suicide par javel sera plus simple parce que je n’ai pas assez de hauteur dans mon appartement pour mettre une corde.
Aussi, pendant le concert, j’ai fini par envoyer un texto à Brad.
– Hey je suis à la Clairière, on essaie de se rejoindre à un moment ?
– Bjr, je suis au même endroit, tout à l’avant, on essaie de se capter à la fin ?
D’un seul coup, je me suis senti beaucoup plus joyeux. Comme quoi, un Brad adouçit plus les moeurs que la musique.
Mais à la fin du concert, pas de news de Brad, et je ne le voyais plus.
– Désolé Escri, mes potes voulaient manger, on se retrouve plus tard.
Bon… D’accord…
ZeNikko, de Twitter, qui nous avait rejoint nous laissa pour se placer directement devant la Prairie où allait jouer Björk, deux heures plus tard. Comme je suis toujours beaucoup trop optimiste, j’ai opté pour rester à découvrir de nouveaux artistes. « J’arriverai toujours à me glisser jusqu’à l’avant du concert de Björk tout à l’heure ! ». (spoiler : pas vraiment)
Retour à la scène LaLaLand pour écouter Daphni.
Là, j’avais déjà quatre pintes dans le système, et j’ai trouvé le son beaucoup plus sympa et correspondant à mes attentes. au final, c’était encore de l’électro, mais il y avait plus de rythme et de basses, et nous pûmes finalement danser tout en buvant et en fumant, et en rigolant.
Daphni, c’est un artiste canadien plus connu sous le nom de Caribou, qui a choisi le pseudo de Daphni pour ses mix orientés club.
– Hey Brad, je suis sur la gauche de LalaLand, à côté des lettres géantes We Love Green !
Pas de réponse.
J’étais un peu entre deux eaux. Déjà, j’étais déçu qu’il ne cherche pas vraiment à me voir, mais en même temps, comme je commençais à être saoul, je m’amusais bien sur la musique.
Lorsque Daphni fut terminé, enfin nous nous dirigeâmes vers la Prairie, où Björk allait sans aucun doute nous enchanter. Coloc voulut rester au fond « on verra mieux la scène » (spoiler : non), mais c’était un point de rendez-vous plus facile pour se retrouver, vu qu’une dizaine de potes était encore en pleine vadrouille. Dix minutes avant le concert, je décidai de planter les gens, je n’avais toujours pas de nouvelles de Brad (« coucou, je suis à la droite de la régie au fond en face de la Prairie »).
Armé de ma bite et sans couteau, je partis braver la foule et tenter de me frayer un chemin vers l’avant. Je fus coupé malgré tout assez rapidement par une jeune femme aux cheveux courts et qui me toisa en faisant un peu la gueule :
– Tu es grand toi, donc évite de te mettre devant moi.
– Ok, pas de problème. Je restai donc juste derrière elle, et parce que j’ai la déconne facile, je pris mon air le plus enthousiaste possible, et lui demandai :
– C’est bien ici, Nina Kravitz, hein ? Putain trop hâte !
Je n’essaierai même pas de te décrire l’air outré qu’elle prit, mais je l’empêchai de me répondre en lui assurant que c’était une blague.
Enfin, la déesse monta sur scène, dans une tenue indescriptible, comme à son habitude depuis quelques années.
J’en étais bien à six pintes, et j’étais fatigué, et les notes me firent fermer les yeux, hypnotisé. Et plusieurs fois, je dus les rouvrir d’urgence car je sentais qu’en me balançant au son de sa voix, j’allais pas tarder à me vautrer comme une grosse merde. Le principe de la micro sieste debout en plein festival, tu connais ?
Je n’avais pas fait mes devoirs, et du coup je connaissais très peu le dernier album (très beau au demeurant), alors ce qui me réveilla, c’est quand l’intro de Isobel retentit dans les haut-parleurs. Sur scène, une harpiste et des joueuses de flûte traversières habillées comme des dryades.
L’autre de ses chansons que je connaissais et ai adoré entendre en live, c’est Wanderlust (ci-dessous un enregistrement dans un autre festival cette année, mais dont les basses sont pourries. Le décor est le même, et la seule différence est le costume de Björk).
Bref un superbe set, qui dépassa mes attentes car j’avais un peu peur du choix de ses chansons, de la qualité du son, et que ce soit peu « ambiance festival ». Mais j’ai trop kiffé ma race, et tellement plein d’amour en l’écoutant, j’ai même proposé aux deux mamans à côté de moi de porter leurs petites filles de 4 et 6 ans sur mes épaules pour qu’elles voient, ces pauvres petites. Les (ou le couple de) mamans refusèrent (clairement, vu mon état d’ébriété, ce n’aurait pas été intelligent, même si je pense que j’aurais été capable de le faire sans trop de danger pour quelques minutes).
Mais toujours pas de news de Brad.
Je partis à la fin du concert me reprendre une pinte au son de Nina Kravitz, que j’avais déjà adorée à De School à Amsterdam l’an passé. Le système de son ne faisait pas honneur à son électro-techno énergique, et un peu saoûl et lassé de ne pas avoir de nouvelles de Brad, je partis avec les deux potes qui étaient restés (l’un des deux de Barcelone et ne parlant ni anglais ni français), dans des conversations ridicules en mauvais espagnols avec plein de mots français auxquels nous rajoutions des « o » et des « a » au fil de notre intuition.
Est-ce que Brad n’avait plus eu de batterie ?
Est-ce que je passerais pour un mec relou quand il recevrait 8 textos d’un coup ? J’allais probabalement le savoir assez rapidement…
Bonsoir,
J’ai découvert ce blog par hasard via Twitter, j’ai lu les derniers posts, et finalement j’ai tout lu depuis le début !
L’écriture est fluide, légère, et le suspense parfois insoutenable ! 😉
J’avoue, moi aussi un peu déçue par l’attitude de Brad… mais il a peut être une bonne raison, la suite le dira ^^
PS: dans un post précédent, il était question de savoir si on était dans team JR ou Brad, eh bien… je suis dans la team Daniel 😀
Son histoire m’a touchée, dommage que ça n’ait pas pris !
– Merci beaucoup de lire ce journal, et je suis très content que tu y prennes plaisir.
– J’ai essayé de renvoyer 2-3 (bon d’accord un seul) messages à Daniel. Mais oui, c’était triste. Et puis quand je repense aux raisons de l’époque, je ne me sentais pas prêt à me ettre avec quelqu’un, je me demande en quoi ça a changé maintenant ? Est ce que les choses sont différentes à ce point ? Peut être que c’était trop soudain et trop entier, alors que Brad reste une pertie de fantasme et que je peux naviguer entre cet espoir de, et me rassurer en me disant que ça ne mènera nuller part. Je sais pas si je fais trop sens…
Si si, ça fait sens ! 🙂
Bien commode les fantasmes, aucun risque encouru… 😉 Et on se sent tellement vivant quand on les imagine. Tout devient possible!
À sa décharge, la scéno de Charlotte Gainsbourg n’est clairement pas étudiée pour un chapiteau (en salle, ça rend très bien).
« Pas de me demander si le suicide par javel sera plus simple parce que je n’ai pas assez de hauteur dans mon appartement pour mettre une corde. » <3
Daphni c'est cool ! (Caribou aussi !)
1. C'est con mais ça arrive plus souvent qu'on ne le croit avec ces putains de smartphones énergivores (qui nous fournissent donc des excuses rêvées dans ce genre de situations)
2. Relou peut-être pas, ivre certainement 😀
Si tu savais à quel point j’ai pensé à toi en écrivant ce compte rendu de festoche ». D’habitude, c’est ton créneau !
Oui mais il faut bien une relève 😀