En rentrant du festoche, j’avais retiré mon jean, j’avais ouvert grand la fenêtre tellement j’avais chaud, et pris un plaid léger pour dormir au-dessus de ma couette pour éviter de cuire. Grand mal m’en prit puisque je me réveillai frigorifié avant six heures du matin ; la température avait chuté pendant la nuit. Le temps de me lever et de mettre de l’eau à chauffer, j’avais éternué plusieurs fois, et rempli trois mouchoirs, merci pour le coup de froid en juin. Vraiment, entre ma tête qui tournait un petit peu à cause de l’excès d’alcool de la veille au soir, le froid, et la nuit qui avait été bien trop courte, j’étais de mauvaise humeur et quand j’ai pris mon téléphone, je ne… OH UN TEXTO DE BRAD !
Vraiment je suis désolé, ma batterie était morte. 🙁
Je te vois demain soir au Poump ?
Il avait envoyé le texto vers une heure du matin. Probablement, dès qu’il était rentré. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça voulait dire beaucoup. Il avait envoyé des excuses à la première occasion et n’avait pas attendu le lendemain, comme je l’aurais sûrement fait avec la plupart de mes potes. Ou bien est-ce que je surinterprétais ?
Toujours est-il que ma mauvaise humeur avait disparu, et tels Troy et Gabriella, nous allions sous peu exploser dans un duo en-chanté où nous crierions notre amour à la terre entière…
En voyant mon nez rouge, mon sourire débile, et mes yeux cernés dans le miroir de la salle de bain, j’admis que j’étais peut-être un peu trop enthousiaste, et que j’allais commencer par boire mon premier café…
Concernant ma réponse à Brad, j’envoyais un tout basique « Aucun souci, je m’en étais douté ! On se voit ce soir ! »
⁂
Par une incroyable coïncidence, j’arrivai bien en avance à la salle, dis bonjour à Laura, puis m’assis prendre un café dans un des fauteuils de l’accueil, mais lorsque je vis Brad arriver à travers les baies vitrées, je paniquai un peu sans savoir pourquoi. Je pris le premier magazine disponible sur la table pour faire croire que j’étais occupé. Quand il arriva à ma hauteur, je fis une prière pour ne pas qu’il me demande ce que je faisais semblant de lire lisais, et je reposai le Femme Actuelle en cachant la couverture. MAIS QUELLE P*$£TAIN DE SALLE DE SPORT A FEMME ACTUELLE ?? Sûrement une vieille qui l’avait oublié. Au moment de me faire la bise je chopai mon sac, le posai sur la table au dessus des magazines dans une tentative de camouflage (Escri Bond, 007). Ce ne fut pas nécessaire puisque Brad n’avait pas décroché ses yeux des miens.
– Salut Escri, je suis vraiment désolé pour hier, j’avais peur que tu m’en veuilles.
– Oh, ce n’est pas grave, répondis-je avec une voix un peu triste. J’ai perdu mes amis vers 18h, et je suis resté tout seul jusqu’à la fin, mais c’était cool…
Brad, qui s’était assis sur le fauteuil en face, me regarda avec commisération et commença à bégayer des excuses…
– Mais non, Brad, je plaisante !
– T’es con, je m’en suis encore plus voulu…
– Mais faut pas, c’est un festival, c’est toujours difficile de se retrouver de toute façon, ajout’ai-je avec un sourire.
C’est alors qu’une lumière divine éclaira la pièce, les quelques passants se figèrent, et j’entendis Hallellujah de Jeff Buckley dans la distance, au moment où Brad prononça ces quelques paroles :
– Pour me faire pardonner, je t’invite à diner après, ça te dit ?
Ces mots avaient résonner dans ma tête de la même façon qu’un « veux-tu me prendre pour époux ? » et j’étais prête à répondre « oui, je le veux ».
Parfois je me fais beaucoup trop de films dans ma tête, c’est insupportable. Alors comme à chaque fis, je serrai les dents pour rester ancré dans le réel, et je répondis en essayant de n’être ni trop nonchalant, ni trop enthousiaste (parfois je me demande si ça me fait faire des grimaces quand j’essaie à ce moint de contrôler mes muscles faciaux pour éviter qu’ils n me trahissent).
– Oui, ce serait cool ! Ah mais non, je peux pas, je suis con, je dois retrouver des potes déjà ! Attends, je vais annuler.
– Mais non, on peut faire ça mercredi soir, si tu veux.
– Oui, d’accord, carrément, ça me va.
J’étais malgré tout un peu ailleurs. Une partie de moi était en train de flotter dans une extase complète, tandis que l’autre essayait de rester les pieds sur terre.
– Allez viens, Escri, on va se changer !
– Oui oui…
⁂
Autant te dire que devant ma pinte quelques heures plus tard, je n’arrivais pas à me concentrer et à discuter avec mes potes. D’autant qu’on était à La P’tite soeur, le bar dans lequel Brad aimait aussi venir parfois (je vous conseille plutôt les mercredi soirs parce qu’il y a des huîtres à pas cher).
– Youhou ! Major Tom, ici Ground Control !
– Hein? oui ? Quoi ? Désolé, je suis un peu fatigué…
– Tu n’arrêtes pas de regarder la porte, tu attends quelqu’un ?
– Ah, bah non, pas du tout.
A toi, je vais te le dire ce qui se passait dans ma tête.
Si ma vie était un Harlequin ou l’une de ces comédies romantiques débiles, il faudrait une scène avec un makeover, où d’une façon tout à fait inattendue (non), Brad me verrait descendre les escaliers dans une tenue de soirée incroyable, et il serait ébloui, prenant enfin conscience qu’il ne m’avais jamais vu auparavant, et je ferais une moue un peu timide, genre « oh, je ne sais pas si ça me va, ce n’est pas fait pour moi, je suis plus à l’aise en jean et baskets », et il me convaincrait que non, j’étais splendide.
Tu peux te moquer, mais je t’assures que c’est aussi avec beaucoup de second degré que j’imaginais cette scène, donc, hilare intérieurement d’imaginer la scène ainsi ou en inversant les rôles… Vraiment, même s’il ne se passait rien, je me serai déjà bien amusé à imaginer toutes ces bêtises.
Question subsidiaire :
- Rassurez-moi et dites moi que vous aussi, parfois, il vous arrive d’imaginer des situations filmesques, juste pour vous détendre ou vous échapper…
Oui. Mais je vois beaucoup de films français. Alors c’est moins grandiloquent !
C’est parce que tu as pas regardé « Jour J ». Même les français font ce genre de trucs…