Ah ma bonne dame, avec un temps pareil on ne savait plus comment s’habiller. Froid le matin, chaud l’après-midi, avec des averses et une humidité qui faisait transpirer au bout de dix minutes…
Cette fois, en partant de la maison, j’avais souri toutefois, en prenant un parapluie avant de partir. Je me demandais si Brad ferait une remarque… J’avais beau essayer de me convaincre que je ne devais m’attendre à rien, et qu’il appréciait juste ma compagnie de façon tout à fait amicale, cela ne marchait pas. Cette fois ça ressemblait vraiment à un rencard, en bonne et due forme. Le trajet dans le métro fut cependant une épreuve tant la rame était pleine et moite, et le simple fait de poser sa main sur la barre pour se retenir donnait envie de se prendre une douche à la solution hydroalcoolique (et pas juste pour savoir quel goût ça avait, comme quand j’étais gamin)(il y a deux ans).
Malgré les trombes qui se déversaient à présent sur l’Opéra, se retrouver à l’extérieur fut comme une bénédiction et je respirais à nouveau. J’étais un peu en avance. De 25 minutes. Ce qui fera relever le sourcil de toute personne me connaissant en vrai, sachant que je suis habituellement toujours en retard.
Comme il n’était pas très tard, je partis dans les rues du quartier japonais, ce que je n’avais pas fait depuis plus d’un an.Plusieurs magasins en avaient remplacé d’autres, et j’eus un petit pincement au coeur de voir que Book-off, la librairie nipponne avait fermé ce magasin dans lequel j’avais passé tant d’heures à buter pour déchiffrer les titres sur les tranches, en me donnant l’impression d’être en vacances à Tokyo, dès le pas de la porte passé quand les vendeuses lançaient leur « irasshaimase konbanwa! ». Sous mon parapluie, je passai la devanture et tourna à droite rue Sainte Anne. Comme j’avais toujours du temps, je rentrai dans la petite épicerie coréenne et fis le tour, prenant au passage deux trois bricoles de cuisine (de l’huile pimentée, et du wakame, cette algue un peu épaisse qui passe toujours très bien dans les soupes de nouilles)(oui, je sais que tu as envie de skipper ces détails pour arriver au dîner avec Brad, mais 1) si j’ai dû attendre, toi aussi, et 2) je suis payé au mot, tel Balzac).
Enfin il fut temps d’attendre devant le restaurant, rue Thérèse (je t’encule Thérèse, je te prends, je te retourne contre le mur, je te baise par tous les trous je te défonce, je te mets Thérèse je te mets). Quelques instant plus tard, je fus rejoins par Brad qui marchait à grandes enjambées, sous un parapluie, rouge cette fois, qui était assorti avec ses baskets. Nous écartâmes les parapluies pour nous faire la bise, puis il fut temps de rentrer dans l’atmosphère chaude et bruyante du restaurant.
– Bonjour, combien de personnes ?
– Bonsoir, deux personnes.
En quelques secondes nous fûmes conduits à une table, deux menus posés sur nos assiettes et une carafe d’eau placée sur la table. Brad commenta :
– Ils sont toujours pressés !
Pourtant autour de nous il restait de nombreuses tables vides, il n’était pas question d’accélérer les rythmes pour tenter de faire trois services.
– La dernière fois que j’étais passé devant, il y avait du monde qui attendait dehors, comme devant Higuma, Aki et Sapporo. Je suppose que les soirs de pluie, les gens préfèrent rester tranquillement chez eu à se faire livrer !
Brad parut surpris par ma remarque.
– Mais tu as l’air de bien connaître le coin !
– Oh un peu, un peu…
Un éclair de curiosité agita son regard tandis qu’il s’excusait en retirant sa cravate et sa veste « Je me mets à l’aise ».
– Oh, je pensais que tu t’étais fait beau juste pour moi.
Il baissa la tête en rougissant un peu.
[Franchement vous n’avez pas idée à quel point il est mignon quand il baisse sa tête de cette façon, timide et adorable !!]
[Ok il baissait aussi la tête parce qu’il était dans cette position inconfortable, les bras en arrière, où on retire la première manche de sa veste]
[Il reste trop mignon quand même]
– Mais alors Escri, tu connais déjà ce restaurant ou juste le quartier ?
– Je suis venu quelques fois…
– Oh mince, j’espérais te faire découvrir quelque chose ! La plupart de mes amis ne connaissaient pas la cuisine coréenne…
Je crois qu’à ce moment là, j’ai enfoncé la tête dans le menu. Il me comparait à ses amis. C’est une phrase que j’aurais pu tenté de dire pour faire perdre tout espoir… Quoique non, ce n’était pas assez évident… damn, il fallait que j’arrête de surinterpréter la moindre donnée, le moindre geste.
Après avoir commandé, il me demanda comment je connaissais aussi bien le coin. Autant la fois précédente j’avais fait le modeste, autant je me voyais mal répondre à cette question sans avouer que je parlais un peu japonais et les personnes qui m’avaient appris la langue. C’est un peu bête, mais c’est comme s’il me regardait un peu différemment.
– Wow ! Tu es plein de surprises ! Tu as encore beaucoup de petits secrets que tu gardes pour me surprendre ?
Là, ce fut à mon tour de baisser la tête et de ne pas savoir où me mettre, quoi dire, et de sentir mon coeur battre un peu plus vite.
Je ne lui avais en effet pas raconté grand chose.
Comme Shrek, j’étais un oignon, il fallait m’éplucher.
Il me parla de ses voyages en Asie, il était jeune adolescent quand il avait habité là-bas et avait fait plein de ptits voyages de quelques jours pour découvrir les différents pays et villes alentours, donc il avait certains souvenirs vifs, mais il commençait à ,ne plus trop savoir à quelle ville précisément certains appartenaient.
– Mais alors la nourriture, à part la Chine parce que c’était souvent bizarre, que ce soit au Japon, en Corée, ou partout ailleurs, c’était délicieux. Même si à l’époque je râlais souvent sur plein de choses, je passais mon temps à me plaindre, dès qu’il s’agissait de manger, j’étais le plus heureux.
On a parlé de cinéma, un peu, il avait beaucoup de lacunes sur tout ce qui était « pop culture » à cause de ses années à voyager, puis de sa relation avec ses parents, il parlait beaucoup, je lui posais quelques questions, j’apprenais à le comprendre, j’étais hypnotisé par sa douceur, même si un certain égoïsme de fils unique transparaissait de plusieurs de ses anecdotes. Il était visiblement sévère, et exigeant. Mais semblait ne le montrer que lorsque c’était trop tard.
Une fois nos bimbimbap terminés, nous sortîmes du restaurant. Nous avions traîné un peu. La nuit était tombée, et la pluie avait cessé.
Nous marchâmes lentement vers la gauche de la rue Sainte-Anne, dans cette partie déserte et sans restaurant, et nous étions en train de rire de conneries de nos enfances. Mais avant de rejoindre l’avenue de l’Opéra, il se tourna vers moi et me dit de façon un peu solennelle :
– J’ai passé un super bon moment ce soir !
– Merci, moi aussi.
– J’ai l’impression que je peux tout te dire… que tu me comprends…
Je cherchais quoi dire quand il approcha tout délicatement la tête, semblant attendre mon accord…
Et dans la pénombre, juste entre le K-Mart, et une bâtiment administratif, nous nous embrassâmes.
Gefeliciteerd met de geboorte van jullie zoon !
(Quoi il est trop tôt ? pas encore de maison avec un chien et des piquets blancs ? )
(non parce que tu nous as fait tellement attendre qu’on pourrait peut-être avancer plus vite maintenant.)
(avec ou sans la langue? )
La langue c’est pas avant les fiançailles.
Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!!!!!!!!!!!
(Ah mais parce que tu es payé pour écrire en + !?)