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60. Introspection

Escrivaillon 1

Je me rends bien compte que cela ne faisait pas trop de sens, que je paraissais fou.

Brad m’appela deux heres après mon départ, puis m’envoya deux textos. Il était surpris et ne comprenait pas.

J’étais allongé sur mon lit, dans le noir, et mon esprit travaillait rapidement. J’avais réagi de façon irrationnnelle, mais cela m’avait ouvert les yeux, et je ré-analysais ma vie avec une sorte de clarté que je n’avais jamais eue. Nous sommes tous capables de nous souvenir de nos vies, mais nous sommes aussi capables de nous mentir, parfois, nous sommes subjectifs, nous maquillons la réalité de notre subjectivité. Alors, comme une statue peut évoquer quelque chose et changer d’apparence sous un angle différent, j’interrogeais mes souvenirs.
Presque toutes mes relations s’étaient achevées sur mon départ (physique ou figuré) alors que mes couples pouvaient être sauvés (au moins temporairement). Cela ne pouvait pas être une simple coïncidence. Je m’étais construit des raisons diverses à chaque fois, allant du manque de  choses en commun à des raisons purement ésotériques, mais à y bien regarder, n’était-ce pas à chaque fois de la peur ?

J’étais donc toujours ce petit animal blessé et craintif qui ne croit pas que l’on peut prendre soin de lui. J’étais perdu dans une sorte de spirale sans fin entre peur de l’abandon et fuite. Perpétuellement.
Est-ce que tout ce que j’attendais c’étais que l’on me retienne, lors de mes départs ? Que l’on me court après, dans la pluie ?
Pourtant, je l’avais déjà vécu. J’avais fui malgré tout.
Avec frénésie, je passais d’une mémoire à une autre, je décomposais, et inspectais ces scènes de tête à tête, où j’annonçais les fins, comme des sanctions, avec froideur et calme, mais c’était façade. Qu’est-ce que je voulais à ces moment-là ? Quelle réaction, en face, aurais-je souhaité ? Je me rappelais que bien souvent je coupais mon portable pendant plusieurs jours ou je changeais de ville, alors je ne pouvais pas attendre qu’on me cherche ? Ou peut-être qu’inconsciemment, c’est ce que j’aurais voulu ? Quelqu’un qui brave l’inconnu, et me retrouve quoi qu’il arrive ?
Ce n’était pas juste pour l’autre en face, bien sûr, mais notre inconscient a parfois des désirs et des réactions que nous pouvons à peine comprendre.

Docteur Escrivaillon, diplômé de l’université de Psychologie de comptoir était malgré tout formel. J’étais malade. Je répétais toujours les mêmes patterns, et je sabotais mes relations. Pire, je les assassinais avec méthode et rigueur, faisant de la peine des deux côtés sur mon passage. Le téléphone vibrait à nouveau. Encore un texto de Brad, qui cette fois se résignait, puis un autre ensuite de JR, qui s’excusait de m’avoir embrassé et proposait que l’on ne se revoyât pas.
J’étais un monstre.
Tiens, là encore, avec cette façon de penser, j’étais en train de trouver des excuses pour ne pas vivre d’histoire et échapper à une rupture qui viendrait, et me laisserait sur le carreau. C’était donc bien là mon Modus Operandi.

Abandonner avant d’être abandonné…

Quel schéma stupide…

Alors devais-je lutter contre moi-même ? Aller contre mes instincts ? Rappeler Brad ?
Cela semblait une solution à court terme. Si je ne creusais pas ma psyché, je restais une bombe à retardement. J’allais finir par lui exploser en plein visage et me dérober, d’une façon ou d’une autre. Clairement, je n’étais pas prêt à être en couple. Mais la différence, c’est qu’à présent, je savais pourquoi. J’avais compris le mécanisme, la ligne de mon code qui posait problème.
Je devais me réparer. C’était cela la priorité.
Toutes ces années à me déprécier, à ne pas m’aimer, à me rejeter… Cela n’était pas logique, cela n’était pas normal. Si je m’observais avec pure objectivité, je n’étais ni moche, ni idiot, ni indigne d’être aimé. Au contraire, j’avais toujours trouvé des personnes formidables pour m’accompagner, et qui avaient essayé de me montrer que je méritais que l’on prit soin de moi.

La question fut alors de savoir comment j’allais pouvoir réparer cet être blessé et déréglé depuis son plus jeune âge…

En vingt minutes, j’avais téléphoné à Zane et à Mitch, puis à Amandine qui s’inquiétât.
– Tu es sûr que c’est ce que tu veux ?
– Oui, j’ai besoin d’un reset. J’ai besoin de me concentrer sur moi. Je peux compter sur toi, Amandine ?
– … Si je ne le fais pas, tu le feras tout seul, c’est ça ?
– Oui.
– Bon alors d’accord. Mais je ne pense pas que ce soit une bonne idée… Tu es con avec Brad.
– Je sais.

Tout était arrangé.

J’eus un sourire gêné en me demandant quoi répondre à Brad. « Tu mérites quelqu’un de mieux que moi » paraissait tellement cliché et pourri…
« Brad. Je regrette d’être parti ainsi ce matin après la journée et la nuit que nous avons partagées. Mais je vais être honnête. Je me suis rendu compte que… »
Que quoi ?
 » […] que je ne suis pas prêt à être avec quelqu’un. J’ai trop d’insécurités, et je te trouve tellement de qualités que je me sens incapable d’apprécier ce que nous pourrions partager. »
Voilà. C’était un texto bien con. En même temps, après 3 rencards et une nuit ensemble, rien n’aurait pu être intelligent ni justifié comme excuse pour arrêter cet embryon de relation.

« JR, tu n’as pas à t’en vouloir. Tu m’as témoigné tes sentiments, et ils sont très beaux. C’est moi qui suis un salaud de ne pas avoir su comment agir parce que je ne pouvais pas les réciproquer. Tu ne méritais pas que je parte ainsi, et j’aurais dû te présenter mes excuses beaucoup plus tôt. Tu as beaucoup à donner, et j’espère que tu trouveras quelqu’un de bien. »

JR me répondit assez vite.
« Ton texto sonne comme des adieux… »

Je crois bien que c’est le cas mon petit JR. J’ai besoin de partir à ma recherche. J’ai besoin de me conquérir et de me réparer. Je ne sais pas comment faire donc ma première étape est sûrement incohérente, mais il faut que je me lance dans cette expédition.

 

  1. Escrivaillon et la dernière croisade ?

    (Fais pas gaffe, c’est juste que je veux recevoir les prochains articles par mail <3)

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