Avec tous ces évènements des jours précédents, je n’avais pas réalisé que mon départ pour le sud était le lendemain.
Ne souhaitant pas ouvrir facebook sur l’ordi du boulot, je lançai une recherche sur Google pour savoir où il exposait. Et là, effondré, je vis que c’était à 30 kilomètres de Montpellier.
Je commençai à être nerveux. Je n’allais pas faire deux heures d’avion pour voir son travail et ne pas y aller ! En taxi, cela me coûterait un bras… Ah bah non ! Je pourrais sûrement louer un vélo ! Cela me prendrait 2 heures aller, 2 heures retour, mais bon. Je n’allais pas baisser les bras…
Et puis… Il m’avait demandé de lui dire à quelle heure je pensais y aller pour pouvoir me montrer son expo, alors peut-être qu’il me proposerait de m’emmener ! Et je souriai, nous rêvant dans une 205 pourrie sur une route de montagne (mon imaginaire se moque du manque de montagnes à Montpellier) tandis que ma raison m’engueulait en me disant de ne pas monopoliser son temps, et que je ne pouvais pas attendre cela de lui. Ce serait vélo et puis voilà !
Il fallait que je contacte Jo, lui dire que le viendrais le dimanche après-midi. Je lui envoyai un message depuis le boulot. « Bonjour bogosse », « Salut bel étranger » ou bien « Coucou, mon artiste préféré », déjà les premiers mots commençaient à venir avec difficulté. Je m’énervais tout seul de ma mièvrerie.
– Bonjour Jo !
J’arrive demain après-midi et je vais passer la soirée avec l’amie qui m’héberge.
– Salut ! d’accord et sais tu quand penses tu passer à l’expo .
– Je viens de voir que c’est à L. et pas à Montpellier ! ^^
– Non non, elle était à L. en janvier seulement.
J’avais l’impression d’être godiche. Je n’avais rien préparé, je ne savais pas où chercher l’information, je devais lui paraître bien inconséquent et peu investi… Pensait-il que je me fichais de son travail ? Comme je l’avais démontré lors de mon dernier entretien d’embauche important, quand je suis nerveux, je raconte n’importe quoi, et je commençai à expliquer pourquoi je n’avais pas la bonne adresse, et que j’étais au travail et que je m’voyais déjà (hommage) faire 60 km en vélo, et que ça n’aurait pas été un problème. Et du coup, je lui demandais si une heure était plus pratique (sous-entendu « pour lui »)…
Sa réponse fut aussi courte et précise qu’un couteau de marin qui ouvre une huître:
– C’est ouvert de 11 à 18h, viens quand tu veux.
J’étais touché en plein coeur, sans pouvoir dire un mot. Ne voulait-il plus m’accompagner, me montrer ses oeuvres ? En disant « viens » voulait-il dire qu’il y serait toute la journée, ou bien voulait-il dire « tu y vas quand tu veux ». Je considérai toutes les options. Il était avec des amis et ne pouvait passer sa vie sur son téléphone, ou bien il était triste parce qu’il avait reçu une mauvaise nouvelle. Ou bien il ne voulait pas vraiment me voir et essayait de se forcer parce que je faisais le déplacement…
– Si ça te dit, on peut déjeuner ensemble. Dimanche ou un autre jour. Je repars mercredi, et je n’ai rien prévu, à part me balader un peu.
Oui pourquoi pas. Peut-être plutôt mardi alors.
– Ok, tu me tiendras au courant !
– Ca marche !
Ca y est, je n’étais plus si certain d’avoir eu une bonne idée. Ces dernières semaines avaient été de vraies montagnes russes. Mon entretien raté et le job fantastique qui m’était passé sous le nez, l’autre proposition mal payée mais qui allait me sauver la vie et ce projet de rachat de maison, ainsi que les crises de Mitch…
Bien évidemment, je n’allait pas là-bas en espérant rallumer une flamme, mais j’espérais un peu retrouver ce sentiment de douceur. Cet après-midi d’été, au bord de la Seine, devant Notre Dame, au son d’un joueur de violon qui nous faisait rire avec ses airs de balades romantiques pour touristes. Et nos mains qui se caressaient et se serraient tandis que nous parlions du monde, et de l’univers, et de cette énergie de vie qui partout foisonnait et que personne ne semblait voir.
Essayais-je de fuir les difficultés du quotidien en essayant de me blottir contre un passé doucereux mais révolu ? Oui, d’accord, je n’allais pas me mentir…
Alors que je remontais les rues dans le froid glacé sur mon vélo, je n’étais pas sûr de réussir à bien dormir avant mon avion du lendemain