Comme je le disais donc, nous attendions devant le cinéma indépendant Diagonal (anciennement Capitole), tout en discutant. Mais soudain, je me mis à perdre mes mots. A ma gauche, j’avais reconnu la silhouette fine au sweat shirt rouge qui était en train de marcher dans notre direction. Je lançai des regards de côté à Géraldine tout en essayant de continuer la phrase que j’avais commencée mais que j’avais perdue.
Jo, avec une amie à lui, s’approchaient de nous. De plus en plus lentement. Puis une fois devant le cinéma, ils s’y engouffrèrent, laissant juste à Géraldine le temps de l’apercevoir. Il était impossible que Jo ne nous ai pas vus.
– Mais… Mais… C’est lui !?

Je fus pris d’un fou rire nerveux. J’avais néanmoins décidé rester immobile pas pour ne pas risquer de croiser le regard de mon petit artiste.
-Il va vers le bas, m’expliqua-t-elle, dans la salle 5 sûrement, et on est dans la salle 3, en haut des marches. C’est bon, tu ne vas pas le revoir.
Elle restait bouche-bée.
– Tu te rends compte de la probabilité ?? Mais c’est fou ! C’est le genre de trucs qui n’arrive que dans les films !
En montant les escaliers, je lui expliquai que ce genre de coïncidence était monnaie courante pour moi, et que ça rendait ma vie à la fois trépidante et épuisante.
Une fois passées les portes battantes, Géraldine ne remarqua pas tout de suite que dans cette toute petite salle, parmi les 10 personnes présentes, Jo était déjà assis pour voir le même film que nous. Je restais à la porte, la laissant choisir la place pour éviter de me planter à quelques centimètres de lui, en faisant semblant de ne pas le voir.
Vraiment cette sortie au cinéma pour penser à autre chose était une réussite !
Géraldine s’assit, je m’installai à ses côtés puis elle tourna la tête pour jeter un coup d’oeil aux spectateurs. Enfin elle le vit.
– Mais !!! Il est là !!!!
– Oui, oui…
– Mais c’est une blague ???
Cette situation me faisait sourire, mais m’attristait aussi. Ma venue à Montpellier pour le voir l’avait rendu suffisamment mal à l’aise pour m’envoyer un message et me dire qu’il ne voulait plus me voir. Et *bim* il tombait sur moi à deux reprises en quelques heures…
⁂

Durant la séance, Jake Gyllenhaal vint à mon secours et m’aida à lutter contre l’envie de me retourner et de le regarder ou de vérifier s’il était parti. Une fois le film terminé et le générique à l’écran, je voulus lui laisser le temps de sortir de la salle sans l’embarrasser. Je restai donc les yeux rivés sur les noms qui défilaient. Géraldine n’avait pas la même gêne que moi. Elle avait la tête tournée vers le reste de la salle, puis au bout de quelques instants me dit « C’est bon, il est parti. On peut y aller ! »
Géraldine assurait !
Une fois de retour chez elle, autour d’une bouteille de vin, après avoir parlé du film (The Sisters Brothers est une très très belle réalisation, qui réussit à embrasser le mythe américain avec un angle peut-être moins fantasmé et plus humain) et nous reprîmes nos suppositions jusqu’au moment d’aller dormir.
– Tu crois qu’en fait, il a une meuf et il avait honte de te le dire, hasarda-t-elle.
Je me mis à rire.
– Ce serait quand même ridicule, répondis-je ! Il n’avait eu que des copines avant moi, et je lui avais toujours dit de ne pas se définir s’il n’en ressentait pas le besoin. Je ne vois pas pourquoi j’aurais été déçu, ou triste qu’il se remette avec une fille après moi.
– Oui, c’est sûr… Et puis ils avaient pas l’air d’être en couple… Mais quand même. Se retrouver exactement au même endroit un lundi soir… C’est ouf !
Une fois dans mon lit, dans le silence de la chambre, mon esprit mit du temps à se calmer.
Jo allait-il voir un signe du destin et me contacter, changer d’avis? Ou bien est-ce que j’étais complètement irrationnel à voir des signes partout ?
Ma seule certitude, c’était que mon silence ne faisait plus aucun sens.
⁂
Le mardi matin, en me réveillant, j’étais toujours convaincu que je devais lui écrire. Lui faire comprendre que j’étais désolé pour ces rencontres inattendues. Que je ne le suivais pas. Même si cela me semblait évident.
Je pris mon téléphone, et les mots, cette fois, vinrent facilement.
Je crois que j’étais à présent plus désolé pour lui que triste pour moi-même.
Je ne voyais pas comment répondre à ton message, et j’étais désolé de t’avoir mis mal à l’aise donc j’avais prévu de ne pas répondre. Je ne voulais pas avoir l’air d’insister. Le hasard nous a joué un sacré tour, donc let me clear the air. Je venais en toute amitié. Je suis vraiment content de te voir heureux et de savoir que tu as quelqu’un. Quand tu dis que tu ne « sais plus quoi penser de notre relation aujourd’hui », j’espère juste que tu n’as pas de regrets, et que je ne t’ai pas fait du mal sans le savoir. C’était ma plus grande peur à l’époque.
Je te souhaite beaucoup de belles choses Jo ! Prends soin de toi !
Je pus enfin visiter Montpellier sans amertume ni déception. Le choc du message de Jo était à présent encaissé. Je retrouvai une tranquillité d’esprit.
Cela ne m’empêchait pas de rester sur le qui-vive, m’attendant à le croiser au détour de chaque rue…
Dans les couloirs du musée Fabre…
Dans la librairie Gibert…
Dans la fièvre et le sang…
Dans les murs des prisons…

Mais allait-il me répondre ?
Questions subsidiaires :
– Coïncidences, ou esprit·s supérieur·e·s qui joue·nt avec nos vies ?
– Mon texto, bien ou bof ?
– Vous êtes plutôt team Macumba, Eve lève-toi ou Je te survivrai ?