La semaine qui suivit mon retour d’Allemagne fut courte mais fastidieuse. Le patron de ma boîte me faisait la gueule, et il avat fini par me convoquer dans la petite salle de réunion pou me parler de ma lettre de démission.
– Mais enfin, je ne comprends pas pourquoi du jour au lendemain tu veux partir.
– Nous n’avons pas obtenu le prêt pour la maison, je mentis. Aussi, je n’ai plus vraiment de raison de rester aux Pays-Bas. Et puis j’ai besoin de repos, je n’en peux plus…
– Ah bon ? Mais bon, je n’avais pas compris que tu ne restais ci que pour cette maison, comprends ma surprise !
– Je t’ai dit, textuellement, il y a un peu plus d’un mois : « si la banque nous refuse le prêt, je quitterai les Pays-Bas ». Je ne vois pas trop comment faire plus explicite.
Je me souvenais très bien lui avoir dit cela, puisque j’avais menti pour tenter de lui arracher un CDI qui aurait facilité la paperasse, tout en le rassurant sur le fait que je n’avais pas l’intention de l’entuber. S’il n’y avait pas eu la maison d’Amandine, jamais je n’aurais accepté les horaires infâmes et la paye de misère par rapport à toutes les fonctions qu’on m’avait atribuées. Mais enfin, les papiers venaient d’être signés, et enfin j’étais libre de tout plaquer.
– Oui enfin, je n’ai jamais bien compris cette… loyauté…. pour cette amie pour qui tu fais tout alors que tu m’as dit ne pas être avec.
– Tu n’as pas à comprendre, Et cette loyauté, c’est aussi la raison pour laquelle je te propose de rester plus longtemps que le mois de préavis pour ne pas vous foutre dans la merde.
À vrai dire, je ne comprenais plus non plus trop moi-même pourquoi je m’etais sacrifié plus d’un an pour Amandine. D’autant qu’elle ne m’adressait plus vraiment la parole depuis que les papiers avaient été signés. Ah si, un texto pour me dire que le lave-vaisselle était en panne. J’avais envie de hurler, mais je passais mes jours à nuancer. Le monde ne serait-il pas meilleur si quand quelqu’un avait un problème, quelqu’un lui tendait la main ?
Suite à ma dernière réponse, Patron se radoucit un peu. En effet, je leur rendais service. Et puis il me souhaitait le meilleur bien sûr, mais c’était dommage, parce qu’il voulait me donner d’autres responsabilités (ben voyons)…
La suite se passa rapidement, et le samedi, je me retrouvai sur un canapé dans le 18ème, un verre de blanc à la main pour raconter mes errances et prendre des nouvelles de mes amis, et le dimanche matin, encore un peu aviné, je rejoins Camille sur les quais du RER B pour aller à Orly et en un clin d’oeil le train nous déposait dans le Trastevere, quartier au sud du centre touristique de Rome.

Le soleil nous chauffait comme un mec bourré en boîte qui veut baiser, et Camille me regarda enfiler un short avec envie. « Je suis deg’. J’y ai pensé, au short en faisant mon sac, mais je pensais pas qu’il ferait aussi beau ! »
Nos pas nous firent traverser le Tibre, puis, une assiette de pasta plus loin, nous fûmes devant le Panthéon. Camille me demanda si j’y étais déjà venu. Non, je ne le croyais pas. Ce n’est qu’une fois à l’intérieur que je fus saisi d’un souvenir. Bien sûr que j’étais déjà venu, et j’avais essayé de prendre le dôme en photo avec mon Quick Snap jetable. Quelques semaines plus tard, j’avais récupéré une photo noire avec un rond blanc. Le Panthéon… Qu’il était étrange de revenir sur les pas de ce voyage scolaire de 4ème…
Un peu plus tard, arrivé·e·s Piazza Navona, je demandai une faveur à ma co-voyageuse.
« Je me souviens de cette place. Ici, Gaëlle avait acheté dans un kiosque un magazine avec un DVD. on venait de ce côté-ci, j’en suis certain. Je pense qu’on peut retrouver la piazza avec la petite fontaine… »
Je voulais jouer à un jeu de pistes avec ces moments envolés. Mais si certains monuments restaient clairs dans ma tête, les chemins et l’orientation étaient recouverts d’un brouillard trop épais…
Qu’importe, la ville était trop belle, et Camille me lisait le Routard pour m’expliquer les dates, les détails et les informations sur les Caravage de l’église Saint Louis-des-Français, sur la raison des trous dans les vieux murs, et sur les statues du pont du Castel Sant’Angelo.

Enfin il fut l’heure de l’aperitivo, et alors que nous discutions du bilan de la journée, une voix cria vers moi :
« Escri? Is that you?? What are you doing here??? »